B) L'opposition des valeurs hippies : dans la sphère privée



« Sois jeune et tais-toi »


Dans la sphère privée, le climat avec la jeunesse est très tendu. Les parents ont tous le même but pour leurs enfants : les faire entrer dans le système. Les enfants doivent faire de bonnes études pour acquérir un métier qui leur donnera un bon salaire, se marier, avoir des enfants etc... La jeunesse hippie vit très mal ce conformisme.

Affiche de mai 68


Les relations parentales


Nous avons choisis de vous citer un extrait d'un texte intitulé « La Révolution par le Rock » écrit en 1971 par Jerry Rubin et qui résume très bien le contexte de l'époque :
« Papa regardait avec fierté sa maison et sa voiture, sa pelouse taillée au ciseau à ongles. Tous ces biens qui justifiaient sa vie. Il essayait de nous donner une bonne éducation : il voulait nous apprendre à marcher droit sur la ligne droite de la Réussite.

Travaille
ne joue pas

Étudie
ne traîne pas

Obéis
ne pose pas de questions

Intègre-toi
ne te fais pas remarquer

Sois sérieux
ne te drogue pas

Fais de l’argent
ne fais pas d’histoires (..)
On ne savait plus où on en était. Comment arriver à comprendre qu’il fallait bosser dur pour acheter des baraques toujours plus hautes ? Des bagnoles toujours plus longues ? Des pelouses taillées au ciseau toujours plus grandes?

On en devenait fous. On ne pouvait plus tenir. »
On comprend mieux grâce à ce texte, la pression qu'exerçaient les parents sur leurs enfants. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ces parents cherchaient à agir pour le bien de leur progéniture. Mais parents et enfants ne se comprennent plus. Ces derniers ne rêvent que de liberté alors que leurs parents souhaitent qu'ils adhèrent au « système », et ne voient que par le côté matériel. C'est cette envie de choisir sa propre voie, d'être libre, de casser ce sentiment d'oppression , qui va pousser la jeunesse à se révolter et à remettre en cause les normes et les valeurs de la société.

La place de la femme



Si d'une manière générale, les garçons n'ont pas trop de difficultés pour acquérir une certaine indépendance, il en est tout autrement pour les filles. Celles-ci sont très surveillées.
Les mères veillent à ce que les jupes ne soient pas trop courtes et que les vêtements soient respectables. Le port du pantalon est parfois autorisé mais uniquement pendant les loisirs. Ce vêtement reste encore très tabou. Les cheveux courts ainsi que le maquillage sont sévèrement réprouvés et les sorties des jeunes filles sont limitées et très encadrées.


Quand les parents ne peuvent pas être présents eux-mêmes pour les surveiller, ce sont les 
« chaperons » qui s'en chargent : frères, cousins etc... C'est à cette période, et en réaction à cette situation que les femmes commencent à prendre de plus en plus d'assurance : elles revendiquent leur égalité vis à vis des hommes. Dès leur plus jeune âge, les petites filles sont conditionnées pour devenir de bonnes mères et des épouses irréprochables. Adultes, elles se devront d'être d'excellentes cuisinières, de savoir coudre, s'occuper parfaitement des enfants et rendre heureux leur mari.

Economiquement, les femmes sont très dépendantes des hommes.

Les hippies rétablissent l'égalité et l'homogénéité au sein du couple. Le père et la mère partagent de manière équitable les tâches dites maternelles que la tradition bourgeoise réservait aux femmes. Dans le couple hippie, l'homme n'est plus considéré comme le dominant.


La libération sexuelle

La morale de la société conservatrice est très stricte : pas de sexe avant le mariage.
La sexualité est réservée à la procréation. De manière générale, le sexe est tabou. Par exemple, la censure au cinéma interdit la représentation d’un couple dans une chambre à coucher. Qui plus est, les adolescents sont rarement informés sur le sujet. Les nouveaux parents hippies se veulent ouverts et entendent répondre de manière naturelle à toutes les questions de leurs enfants relatives au corps.

Cette liberté ne peut se faire qu'avec l'utilisation de moyens de contraception comme le préservatif ou la pilule. Mais ces moyens contraceptifs restent très mal vus. De nombreux pharmaciens vont longtemps refuser de vendre la pilule à des jeunes filles même si ces dernières présentent une ordonnance. En France, la loi autorisant la pilule dite loi Neuwirth du nom de son législateur ne sera adoptée qu'en 1967.

Derrière cette maîtrise de la contraception, se cache aussi une véritable idéologie de la natalité basée sur le désir et non plus la contrainte. Désormais les enfants ne naîtront plus que de manière désirée. Ils seront tous des enfants de l'amour et ne seront plus le fruit d'une fatalité divine.


John Lennon et sa femme Yoko Ono (1969)


La liberté sexuelle est, pour les hippies, un véritable moyen de communication. Dans la logique de cette nouvelle philosophie, l'union charnelle est un acte de bonheur intense, il est donc normal de partager celui-ci avec ses plus proches amis.


Mais la liberté sexuelle doit se dérouler de manière naturelle. Le sexe n'est jamais prémédité ou imposé. «Pouvoir s'aimer à plusieurs, quand on a envie les uns des autres, ce n'est pas seulement excitant et doux en même temps. Ça donne aussi l'impression de former tous ensemble un seul grand sexe planétaire et de faire jouir l'infini [...] Mais se donner rendez-vous exprès pour ça, comme des notables de chef-lieu de canton qui s'offrent une partie carrée, c'est vraiment minable» écrivait Babette au fanzine agenais Le Pruneau cru en 1973.

La liberté sexuelle va également à l'encontre d'une des valeurs primordiales de la société traditionnelle : la fidélité. Pour les hippies, chacun ou chacune doit pouvoir faire ce qu'il ou elle veut.



La drogue



Pour échapper à la triste réalité, les hippies se tournent vers la drogue : haschisch, marijuana mais surtout LSD (acide lysergique diéthylamide). Cette puissante drogue hallucinogène transporte l'esprit beaucoup plus loin que le haschisch. «Fumez du haschisch pour voir le vrai, mangez du LSD pour le vivre» nous dit Harry Monroe dans Le Livre rose du hippy. La drogue de manière générale aide à la spiritualité.

Le LSD n'est ni rare ni cher. Il existe sous différentes formes : pilules, cristaux, buvards ou timbres imbibés. Les hippies en consomment principalement pour voir le monde de manière psychédélique. Même si la drogue est diabolisée à outrance, elle devient rapidement un phénomène de masse et paradoxalement, a tendance à se banaliser.

Les drogues inspirent de nombreux artistes des années 60 comme les Rolling Stones avec leur chanson Sister Morphine ou les Beatles avec Lucy in the sky with diamonds dont les initiales forme le mot LSD.

Ce fameux LSD crée en 1943 par le chimiste Albert Hofmann est néanmoins défendu par certain médecins qui le considèrent même comme un véritable remède. Il ne sera interdit au Etats-Unis qu'en 1967.




I am the walrus, chanson des Beatles reprise dans le film Across the Universe (2006) par Bono. Ce clip psychédélique nous montre comment le cerveau percevait les choses sous acide.



L'utopie communautaire


Pour fuir d'une manière plus significative et plus réaliste la société, les hippies ont l'idée de se réunir pour former des communautés. Les hippies sont convaincus que la structure familiale et patriarcale traditionnelle est à l'origine de tous les maux. 


S'inspirant des projets communautaires des utopistes du XIXème siècle comme Le Phalanstère de Fourbier, ils fondent «des lieux de vie» collectifs. Ils organisent une mise en commun de l'amour et des biens, une répartition égalitaire du travail, une prise en charge collective des enfants etc...

En France, c'est en 1971, 1972 et 1973 que les communautés hippies vont connaître le plus grand succès. Certaines accueillent jusqu'à 50 000 membres l'été pour une population permanente de 5 000 à 10 000 hippies. Ces communautés, même si elles vivent généralement en pleine campagne, font l'objet d'une surveillance constante et les policiers y effectuent régulièrement des visites. Tous les prétextes sont bons : plaintes pour bruit excessif de la part des voisins, attentats aux bonnes mœurs, vérification d'identité ou de véhicule, fumées suspectes...

Ces communautés sont évidemment très mal acceptées par le reste de la société.



Les hippies en communauté
 


Les hippies s'opposent aux normes et aux valeurs de la société de leurs parents et par là-même, créent une véritable contre-culture. Si à l'époque, leurs idées ont pu paraître provocantes et choquer bon nombre de gens, certaines valeurs hippies ont réussi plus ou moins à s'ancrer dans les mœurs et sont encore bien présentes aujourd'hui.